jeudi 23 avril 2009

Au turbin, urbain...

L’oisiveté est mère de tous les vices. Vous connaissez? Il y en a d’autres: Félix Leclerc, par exemple, dans sa chanson «Cent mille façons de tuer un homme»:

Non vraiment je reviens aux sentiments premiers
l'infaillible façon de tuer un homme
C'est de le payer pour être chômeur
Et puis c'est gai, dans une ville, ça fait des morts qui marchent.


On peut aussi rappeler la devise du régime de Vichy: Travail, famille, patrie. Bref, le travail, valeur universelle et, corollaire, vil que celui qui ne gagne pas son pain à la sueur de son front. La valeur travail est aujourd’hui, et de plus en plus, partagée par toutes les tendances politiques. Ses sources, par contre, sont plutôt bipolaires. Traditionnellement, le travail fut une valeur, d’une part, pour les chrétiens et, de l’autre, pour les communistes.

Commencer par le rouge me semble plus aisé. Dans un régime où le travail de chacun est supposé enrichir la communauté, on comprend que l’ouvrier ne peut décider de rester sous la couette tous les matins, pour faire l’amour, ou picoler, rêvasser, regarder la télé ou lire, travailler pour soi, dans son potager ou dans sa maison. Je n’ai pas de jugement de valeur sur la manière d’occuper son temps. Alors, évidemment, il faut absolument, pour la santé de l’économie socialiste, que les fainéants soient stigmatisés ou bien que les “héros du travail”, genre Stakhanov, soient héroïsés. La seule solution envisagée, donc, est on ne peut plus archaïque: promouvoir la valeur travail. Les communistes, l’extrême gauche, perpétuent, aujourd’hui encore, la fable de la noblesse du travail. Enfin, les dirigeants, dont on pourrait faire remarquer qu’ils ne sont pas très souvent ouvriers en usine, sont tous d’accord pour vous y envoyer, sous le prétexte qu’on pourrait y trouver un accomplissement personnel. Je n’en crois, quand à moi, rien. Je suis resté un vieux beatnik: je ne veux pas perdre ma vie à la gagner.

Le versant chrétien de l’amour du travail est plus complexe. Si l’on se place dans l’optique, qui est la mienne, non seulement de la mort de dieu mais aussi de la certitude qu’il n’a jamais existé, on ne peut voir la religion que comme un pouvoir terrestre de domination. C’est une chose que les chrétiens ressentent très bien lorsqu’il est question des islamistes intégristes mais sur laquelle ils sont aveugles pour ce qui les concerne. Ce pouvoir repose sur une seule idée: la vie terrestre n’est pas celle du bonheur, réservé à l’au-delà paradisiaque. Au passage, je vous ferais remarquer que si, d’aventure, mon point de vue est le bon, ce qui ne peut être exclu, nous avons été précédés par des générations et nous sommes les dindons de la farce. Le bonheur terrestre sera passé sous le nez de tous ces gens. Une fois affirmée et établie la préséance de l’après-vie hypothétique par rapport au présent, le reste en découle tout seul: debout, à l’usine, aux champs, au turbin, à vous la vie de misère, le repos, c’est pour après. Vous n’êtes pas content? Mon fils, voyons, vous savez bien que cette vie-ci n’est pas celle du contentement. Pendant qu’on y est, pour vous tenir vraiment, on vous apprendra qu’il est assez mal vu de boire, de faire l’amour, de se réjouir d’une façon quelconque, histoire de vous imprégner tout à fait du dogme: pas de joie sur terre.

Est-il utile d’ajouter une conclusion? Les morts qui marchent, sont-ce les chômeurs ou bien ceux qui se rendent à leur bureau? Allez, ouvrons simplement les yeux.

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