mercredi 22 juin 2016

Albert et la mort ...


Vous savez certainement que Camus n’est pas mon écrivain préféré. Je ne parle pas du reste. Pour moi, ce n’est même pas l’ombre d’un philosophe. Ce que j’ai contre lui ? Sa tronche de gendre idéal. Bien propre, bien poli et, avant tout, anticommuniste viscéral. Pas comme l’autre, là, Sartre … J’ai aussi contre lui d’avoir rêvé être une idole, un peu genre Dean, James, qui n’a réussi que grâce à sa gueule d’ange. Lui, James, il est mort dans un accident avec la Porsche qu’il conduisait, au moins. L’autre, le prix Nobel, il est mort dans un accident, tout pareil, mais pas au volant, et dans une Facel Vega. Minable. A ceux qui auraient encore un petit sentiment pour Albert, je conseille la lecture de « Meursault, contre-enquête » de Kamel Daoud. Tout simplement parce qu’il y aura toujours une différence entre un intellectuel qui défend de sa tour des idées dont le réel démontre qu’elles sont tragiques et ceux qui participent activement à des ignominies. Bref, ce monsieur sentencieux nous a asséné nombre de poncifs dont le fameux : « le seul problème philosophique sérieux est le suicide ». A son époque, cela pouvait passer pour pertinent. Tout simplement parce que l’église, avec quoi il entretenait une relation ambigüe, le condamnait absolument et que notre société était, en ces temps, baignée de cul-bénisme. Ce n’était donc, à mon avis, qu’une position circonstancielle et à très courte vue. Donc, en ce sens, assez peu philosophique. Une manière de s’acheter à bon compte une aura de « révolutionnaire ». A preuve, le fait que, cinquante et quelques années plus tard, le problème n’est plus central. De nos jours, le problème, c’est la mort. Voilà de l’éternel. Mais, curieusement, l’universalité de ce problème n’est plus le centre du débat. Car, au lieu de la considérer comme inéluctable, nos sociétés ont versé dans sa négation. Et même vers la négation de tous ses aspects, à commencer par le vieillissement, qui en est la première étape. Les rues sont pleines de sexas, de quiquas et de quadras en short, sur des planches ou patins à roulettes, sur des trottinettes, qui tentent pathétiquement d’oublier leur âge, de faire comme si la fin n’arrivait pas, qu’elle était encore loin. Résultat, on est passé d’une mort plus ou moins apprivoisée à une terreur généralisée. Au point que, tout le monde chiant dans son froc dès qu’on prononce le mot, que, d’ailleurs, on le dit de moins en moins, il est parti, il s’en est allé, nous a quittés, etc … , et que, même, on finit par ne plus en parler. Camus, le même, aurait dit une autre phrase profonde : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». Que serait-ce, alors, ne plus les nommer ? La mort est mon amie. Le suicide ni la mort ne sont pour moi des problèmes fondamentaux. Sauf, peut-être, leur disparition du discours général. Pas, en tous cas, leur existence qui n’est, pour moi, qu’un fait. Avec un avant et un après. Vide, l’après, bien entendu. Cette question est pour moi l’indice qui révèle imparablement la confusion entre transcendance et mysticisme, spiritualité et religion. C’est probablement une différence essentielle avec le reste du monde et Albert en particulier.