jeudi 18 février 2016

C'est non !...


C’est non !... Parfois, un être humain est amené à dire non, quoiqu’il lui en coûte et,là, pour moi, c’est non. Les plus incultes des lettrés vont croire que je fais ma crise Antigone. Je suis à des années lumière de cette adolescente entêtée. Très peu d’auteurs ont traité ce mythe avec subtilité en faisant, par exemple, une place à la raison d’état qui n’est pas qu’une manifestation concrète de la langue de bois. Être puissant suppose des devoirs, dont celui d’assumer ses choix, y compris quand l’histoire vous donne tort. Sartre aurait parlé de mains sales. Contrairement à mes contemporains, je ne me reconnais pas dans cette oiselle butée et, avant tout, indifférente aux avis qui divergent du sien. Ce qui n’est pas en soi condamnable si l’on ne tient pas compte du sujet de son entêtement. Vous auriez beau jeu de me reprocher d’être, moi aussi, totalement insensible à la doxa. Sauf que, pour moi, le problème qui se pose a à voir avec la majorité. La majorité qui, justement, de nos jours, adule la jeune Antigone. Or, la question est, fondamentalement, au nom de quoi ?.... Au nom de quoi Antigone se mobilise-t-elle ? Et la réponse est évidente. Au nom de la tradition. De cette tradition qui veut qu’un humain ne le serait que dans le respect de la dépouille de son prochain. Tradition qui, vous l’aurez remarqué, ne s’applique qu’aux proches, regardez, par exemple du côté du traitement que nous, blancs, réservons aux cadavres noirs ou basanés. Antigone met en jeu sa vie pour le cadavre de son … frère. Au nom de quoi ? De la transcendance. Antigone est, à ce titre, la défenderesse de l’unicité de la transcendance, qui serait, donc, la tradition et, par là, preuve de l’existence d’un être suprême. Et c’est donc là qu’on aperçoit, sous le voile de la résistance héroïque de l’adolescente face au pouvoir, la défense de l’existence du dieu. Et c’est là, donc, qu’on comprend le succès que notre époque lui réserve. Car nos temps sont croyants. C’est là, vous aurez compris, que je dis non.....

Je suis d’une génération nietzschéenne. N’en déplaise aux intellectuels de tous poils du temps présents, toutes les grandes références du siècle précédent le furent. Sartre, Camus, Deleuze, Palante, j’en passe, y compris Freud et Marx qui n’ont jamais avoué l’avoir lu et digéré ce qui, pourtant, est et fut tu car inavouable selon leur conception du monde. Nietzsche reste comme l’intellectuel qui a affirmé la mort de dieu. Dieu est mort, affirmation nietzschéenne fondatrice semble être tout ce qu’on en a retenu. Pourtant, cette affirmation est incomplète. Car Nietzsche donne l’explication de cette mort et affirme que, si dieu est mort, c’est parce que l’Homme, l’être humain dans son ensemble, l’a tué. Nietzsche ne nie pas la pertinence intellectuelle de l’existence d’un être suprême. Il nous dit simplement que, malgré nos dévotions de Tartuffe, nous sommes incapables d’affronter cette idée. Nietzsche est mort en 1900, il y a 116 ans, temps nécessaire à la reconquête pour la masse informe du peuple toujours prompt à glisser vers le plus confortable pour son esprit. Je suis né à une époque où la quetion posée par Nietzsche n’effrayait personne et, donc , pas plus moi qu’un autre. Pas de dieu au ciel, soit... Et, donc ?.. Que serait-ce, alors, que la transcendance humaine ? Il fallait se « prendre le chou », se torturer l’esprit, apprendre et apprendre encore mais nous le faisions dans la gaieté, comme nous l’avait suggéré le moustachu, dans la gaieté du savoir. C’est une époque où la question de dieu était évacuée. Je n’ai pas écrit « résolue ». Nous avions simplement le courage intellectuel de la laisser ouverte et d’en renvoyer la résolution à plus tard. Aucune angoisse ne naissait de ce diffèrement. Vous l’aurez remarqué, ce n’est plus le cas. La réponse, le peuple de France et, hélas, de la Terre entière, l’exige dans l’instant. Ce qui, évidemment aboutit à la défense de son dieu contre celui de l’autre, au clivage, à la guerre. Malraux, intellectuel croyant avait prédit, dit-on, que ce siècle serait spirituel ou ne serait pas. Cette phrase a aujourd’hui le même succès, exactement, que la jeune Antigone, fille d’Oedipe, pour la simple raison qu’elle conforte les culs-bénis de toutes les obédiences possibles. Comme la plupart des prophéties, celles-ci s’avèrera fausse, bien entendu, puisque le 21° siècle sera à la fois spirituel, c’est à dire tourné vers la seule spiritualité envisagée par les commun des mortels, celle d’un « dieu » au cœur du ciel, sera, donc, déique ET ne sera pas. Parce que nous n’avons évidemment pas tous le même dieu et que notre entêtement collectif à confondre transcendance et dieu ne nous amènera que la guerre.

C’est là que je dis non. Non, désolé, les télés pleines de dieu, de messes, de cérémonies, d’Allah, de Bouddha, de Javé, de dieu, de papes, de rabbins, d’imams, de bonzes, seraient-il français et anisés, c’est non. La figure de dieu comme seule grille d’analyse, c’est non. C’est non parce qu’il existe sur cette terre une foule innombrable de gens qui, non seulement n’ont pas besoin de cette hypothèse, comme disait Laplace, mais, en plus, condamnent avec force cette faillite de l’esprit que constitue la croyance en un dieu, en une idéologie, en un dogme, même laïc, condamnent les présidents cathos, les premiers ministres cathos, les penseurs cathos, les journalistes cathos, tous les cathos, tous les croyants, parce qu’ils sont l’expression d’une faillite de l’esprit humain et, donc, vouables aux gémonies. ... Contre mon époque, je continue de l’affirmer : dieu est une merde, dieu n’existe pas, dieu est mort et croire n’est pas plus respectable en soi que toute autre croyance. Dans mon pays, la France, croire est un droit mais n’en ouvre aucun, de la même manière qu’il y est permis de chasser sans que cela soit ni une obligation ni un bien. S’il existe une chose sacrée sur cette terre, cela ne peut pas être dieu. Ce pourrait être, éventuellement, s’il faut une transcendance, la vie. C’est non. C’est non et l’image de ce « non », c’est un majeur levé. Allez vous faire foutre !... C’est non. Dieu n’existe pas et je me fous totalement des explications qu’on tente de m’en fournir. Ce monde n’a pas besoin d’un dieu. Le seul responsable de la dérive de l’humanité, qui risque plus que jamais d’aboutir à son anéantissement, c’est l’être humain. Le déluge, s’il a lieu, sera notre œuvre. C’est non et je conchie toutes les religions. C’est non !...