lundi 3 mai 2010

Tentative de penser le cas Polanski..... au delà du bout du nez

Il est bien difficile de se prononcer sur le cas Polanski... Sa défense est loin de n’être qu’adroite.... Ses détracteurs ressortent bien souvent de la bien-pensance, voire de l’obscurantisme, ses amis sont souvent excessifs dans le maniement de la notion de complot. Il reste une chose. Cet homme a eu, en 1977, des relations sexuelles avec une mineure de 13 ans dont le consentement, au moment des faits, semble mis en doute, et dans un pays où le crime de viol ne connaît pas de prescription, ce qui est une bonne chose, pour des raisons évoquées plus bas. A cette époque, une période d’extrême liberté sexuelle touchant à la confusion, de telles relations ne sont pas, en soi, choquantes. Ce qui l’est , c’est le doute sur le consentement. Parce que, même en ces temps troublés des années 70, le crime de viol existe. Il reste donc à établir s’il y eut ou non viol. La victime, Samantha Geimer, demande aujourd’hui, elle-même, l’abandon des poursuites. Pour autant, elle ne nie pas le fait qu’elle fut violentée. Peut-on la croire? Toute personne qui a un jour été en contact avec une femme violée sait parfaitement que la culpabilité ressentie, la mémoire traumatique, peuvent aboutir à des dizaines d’années de déni. Trente trois ans, ce n’est pas un délai très long au regard de ces attitudes. En France, le crime de viol est prescrit après dix ans, vingt si la victime était mineure au moment des faits, parfois plus si le violeur avait autorité sur la victime, membre de la famille, enseignant, animateur, etc.... Cette prescription a pour effet que la majorité des cas de viol ne sont jamais traités par la justice. En ce sens, il me semble que la justice états-unienne est plus juste que la nôtre. J’ai connu des femmes qui, avant de parler de leur traumatisme, ont attendu d’être sur leur lit de mort, comme si seul ce moment, où l’on sait qu’on ne devra pas assumer les conséquences de ses révélations, pouvait s’envisager pour remettre en cause l’image d’un père, d’un oncle, d’un frère. La parole d’une femme violée n’est pas libre. Sa vie est une épreuve, une mascarade, elle souffre, ne serait-ce que de ses relations sexuelles tragiques, voire douloureuses, ne serait-ce qu’à cause de ce qu’elle craint de transmettre à ses enfants de cette souffrance, ne serait-ce qu’à cause de l’ambiguïté qu’elle entretient, que, parfois, son entourage proche entretient, sur sa culpabilité: la plupart du temps, ces femmes sont convaincues qu’elles ont voulu, recherché, trouvé avantage à leur viol. Quand elles ne pensent pas qu’elles sont seules responsables de leur drame. La vie d’une femme violée est entièrement conditionnée par cet acte. Une vie!.. C’est bien plus que 33 ans. Et je réaffirme que Mme Samantha Geimer peut très bien être, aujourd’hui encore, dans sa démarche difficile d’outing.. Et, donc, ne pas vouloir poursuivre parce que la douleur de la révélation est encore trop prégnante. En face de cela, Polanski dit “avoir payé sa dette” en ayant subi 42 jours de prison.... 42 jours.... Pour quiconque a été violé ou a connu des femmes violées, cette affirmation est tout simplement odieuse. Elle démontre tout simplement que Polanski, comme beaucoup d’hommes, et particulièrement parmi ceux qui prennent sa défense de manière inconditionnelle, n’ont toujours pas compris en quoi le viol est un crime. En face de ces 42 jours, une femme peut aligner 33 ans de torture. Pour moi, c’est un bien que Mr Polanski ait à répondre des sa “bêtise” commise il y a 33 ans. “Bêtise”, parce que, encore une fois, ces faits ne se sont pas produits n’importe quand.. on peut lui accorder les circonstances atténuantes dûes à cette époque. Mais il ne me paraît pas injuste qu’il réponde devant la justice, fut-ce 33 ans après. Ne serait-ce qu’au titre du symbole: celui qui consisterait à dire aux femmes violées de par le monde qu’il n’est jamais trop tard pour obtenir justice sur des faits aussi graves.