mercredi 12 décembre 2012

Molaire, moléculaire.... Felix Guattari - La révolution moléculaire

Il ne s'agit pas ici, bien évidemment, des dents du fond mais de « mole », c'est à dire, symboliquement, d'un ensemble, d'un « grand nombre ». Rencontrant par hasard ce texte de Guattari, j'y trouve, en premier lieu, la confirmation de l'une de mes convictions profondes, celle que tout a déjà été pensé. Ou bien, variante, que ce qui se pense se pense à la fois dans plusieurs lieux et dans l'esprit de différentes personnes. En reprenant l'histoire des sciences, on se rend immédiatement compte de la pertinence de cette notion, au travers de la difficulté que nous avons toujours d'attribuer telle ou telle invention à celui-ci plutôt qu'à celui-là. De quoi s'agit-il, donc ?... Le but est de réfléchir la différence, l'opposition, même , en définitive, entre comportement « de masse » et comportement « individuel ». Une mole d'air peut avoir un comportement global, un vent, par exemple, ce qui n'interdit absolument pas une étude au niveau moléculaire qui démontrera qu'il existe au moins une molécule qui ne se comporte pas comme la généralité des molécules, le vent, et qui, même, parfois, peut avoir un déplacement instantané contraire à celui de l'ensemble. De même pour un courant d'eau. Au sein d'une rivière, il existe au moins une molécule d'eau qui remonte le courant. Or, en mathématiques, la notion de contraire se définit ainsi : le contraire de la phrase « tous les Bretons sont alcooliques » est : « il existe au moins un Breton qui n'est pas alcoolique ». L'application brutale de la science mathématique à nos sociétés implique donc que « l'individu » serait le contraire de « l'ensemble ». Or, depuis de nombreuses années, maintenant, les sciences sociales, la politique, entérinant cette opposition, portent leur regard, tout à fait ordinairement, à cause d'un manichéisme ambiant et général, sur « l'individu » plutôt que sur le « global ». Ce qui importe, aujourd'hui, c'est « vous » et non votre contexte, ni vos origines, ni vos traditions, ni votre culture. Chacun d'entre nous a droit à la parole, simplement parce qu'il est, qu'il en a le « droit », qu'il est « vivant ». Nonobstant, bien évidemment, le contexte, le global, le « molaire ». Ceci nous est venu d'une tradition très active à la surface de cette planète, l'anglo-saxone, qui ne peut être réduite à « l'états-unienne » mais qui lui doit la majorité de ses traditions. Pour les anglo-saxons, chacun d'entre nous est « surpuissant », c'est à dire, très simplement, que l'état du monde ne dépend que de lui. Ce qu'il ne saisit pas, c'est qu'il ne parle que de « son » monde. Pour lui, aucune différence entre ce qu'il pense et ce qu' « on » pense. Il n'est pas « un » individu, il est « l'individu ». Sa pensée est forcément celle des autres. Il pense pour tout le monde. Ceci, simplement parce que l'attention du monde extérieur n'est portée que sur d'autres « individus » et que son moteur n'a qu'une base : aucun autre « individu » ne vaut plus que lui-même, en termes de droit. Depuis des années, maintenant, j'ai une objection, toujours le même exemple, à ce joli tas de rouages bien huilés qui tourne rond : expliquez-moi quelle chance avait un enfant juif né à Varsovie en 1930.... Quelle emprise sur sa vie est la sienne? Réponse : aucune..... Il va partir pour Auschwitz et y sera assassiné. Avec cet exemple, on comprend que, quelle que soit l'agitation « moléculaire » d'un individu, sa destiné « molaire » reste la plus déterminante. Ce qui va diriger la courte existence de cet enfant, c'est qu'il naît à un certain endroit, juif, et à une certaine époque. Rien n'y fera.... L'air du temps est à l'autodétermination. Au point qu'on revisite régulièrement l'Histoire avec un microscope, en tentant de raconter celle-ci non plus sous un angle global mais sous l'angle du particulier. Les motivations de tel dictateur, de tel ou tel officier allemand, de tel soldat au Vietnam, de tel Poilu, de tel politicien, en essayant toujours de valoriser le choix personnel et en oubliant ce qu'on pourrait appeler « le vent de l'histoire ». Or, il n'y a pas d'opposition entre les deux et l'un n'est pas plus efficace pour expliquer seul le cours des choses que l'autre. L'histoire est molaire et vous emporte dans son flot, ce qui n'empêche en rien que, dans ce flot, vous pouvez avoir une agitation contraire à l'ensemble. Exactement comme une molécule d'eau prise au sein d'une rivière peut très bien, à certains moments, en remonter le cours..... Ce qui n'empêche en rien une contradiction peu traitée dans les sociétés occidentales: le « vent de l'Histoire » peut s'avérer déterminant pour chacun d'entre nous, quelles que soient nos agitations. Voir à, ce sujet les bouleversements actuellement à l'oeuvre dans le monde arabe. La thèse de Guattari, si j'ai bien compris, c'est qu'il n'y a révolution que lorsque le moléculaire rejoint le molaire, c'est à dire quand chaque individu pris dans un groupe s'accapare personnellement le mouvement d'ensemble et en devient un moteur individuel. Son livre me semble poser un problème philosophique essentiel, qui a à voir avec l'un de mes dadas, l'individualisme de gauche. Et, à mon avis, poser simplement ce problème, aujourd'hui, est tout bonnement génial. Au sens propre. Faut-il rappeler que Guattari fut le collaborateur préféré de Deleuze ?.... La révolution moléculaire - Félix Guattari - Ed. Les Prairies Ordinaires (novembre 2012)

jeudi 4 octobre 2012

Ras le bol

Je traverse une période d’intense malaise. Presque d’ordre psychiatrique. Une espèce de rupture, en moi, entre le corps, ce qui respire et bat en moi, et l’esprit. D’accord, vous dites-vous. Mais qu’est que cela vient faire sur un blog dont  l’intitulé est : “philo”. C’est tout simplement que je crois avoir déniché un embryon d’explication à ce malaise. La question n’a rien à faire ici, si vous voulez, mais la réponse, oui. Et cette réponse commence par une constatation : je suis français. Aucune gloire, pour moi, à être ce qui n’est que le fruit d’un hasard à la fois géographique et génétique. Aucun patriotisme d’aucune sorte en moi. Cependant, je ne peux le nier : je suis né en France. Et, conséquence, mon éducation est française. Ce qu’on peut appeler ma culture l’est donc également. J’ai de la chance, me direz-vous, puisque, question culture, la France est ce qu’on peut faire de mieux ou à peu près et, si je devais donner mon avis, je dirais même que c’est la culture la plus complète au monde, n’en déplaise aux ethnologues relativistes. Pour moi, donc, et parce que je suis né sur ce territoire, les notions de pays et de culture sont confondus. Je suppose que pour un espagnol, par exemple, cette confusion entre culture française et France est exclue. Comme tout bon français, j’ai été biberonné aux concepts issus des événements qui ont jalonné notre histoire: la Révolution, les Lumières, le seconde guerre mondiale, entre autres. Et, bien entendu, ma culture livresque est fondée sur la lecture, en premier lieu, des écrivains de langue française, Hugo, Rimbaud, Baudelaire, Aragon, Diderot, Molière, et tous les autres.... Bien sûr, j’ai lu des auteurs étrangers. Enormément et de toutes origines.  Mais, sauf cas rares, je ne les ai pas lus dans leur langue d’origine mais dans une traduction en français. Tout ceci pour vous faire saisir que, jusqu’à une date récente, il y avait, en moi, une fusion naturelle entre ma nationalité et mon être profond. Encore une fois, sans aucune fierté ni aucune revendication. Seulement voilà.... Depuis quelques temps, la France m’emmerde. J’ai rejoint le club très fermé des penseurs qui détestent leur peuple. Nietzsche, évidemment, mais également Bernhardt, Becket, à un niveau moindre, Joyce, probablement, Wilde, on comprend pourquoi, enfin bref, que du beau monde. Du beau monde dont la pensée, en tous cas, est assez peu amène avec le pays qui les a vus naître. Ce qui m’arrive n’est donc pas très original. Et ce qui m’arrive est tout bête: je finis par vous détester. Vous abhorrer, même. Rien de ce qui vous mobilise ne trouve grâce à mes yeux. La politique, vous êtes lamentables, là, quand même, le sport, j’ai toujours détesté le sport, mais là, vos médaillés, vos héros, vos crétins en shorts, pardon !.., vos lectures, on ne va en citer qu’un, un qui a le dos large, parce que, dans ce milieu, on ne peut pas dire du mal des collègues, disons Levy, ce que vous allez voir au cinéma, les intouchables est la dernière connerie en date, vos convictions religieuses, faut vous voir sauter à pieds joints dans la guerre de religions, votre addiction aux jeux de hasard et à la Française des jeux, qui m’interdit chaque jour l’accès au comptoir de mon buraliste préféré, votre amour du gasoil et du nucléaire, totalement ineptes au regard de l’avenir, celui de vos enfants en particulier, votre abord aux questions sanitaires, totalement paranoïaque, votre relation à l’argent, la musique que vous écoutez, affligeante, les “comiques” qui vous font rire, jamais drôles, déplorables, vos idoles, d’une manière générale, un tas de crétins congénitaux, à croire que vous n’élisez au pinacle que qui vous ressemble, histoire de préserver l’idée que ça pourrait vous arriver, tout, tout, tout.... Exhaustivité impossible... TOUT. Tout dans le médiocre, le navrant. Vous allez me dire que la terre ne va pas s’arrêter de tourner parce que je vous déteste et vous aurez raison. Vous allez me dire que j’ai qu’à me barrer, que ça fera de la place, que j’ai qu’à trouver mieux, si j’y parviens... Et là, je vais vous répondre. Si, un jour, lassé, à bout, je finis par émigrer, vous abandonner à votre bain de lisier, j’aurais fait un grand pas sur mon chemin personnel... Tout simplement parce que, dans un autre pays, les gens ne s’exprimeront pas en français et que je n’aurais plus à supporter cette impression permanente de souillure de mon esprit, que, dans un lieu étranger, la séparation entre mon esprit et mon corps ne sera plus un problème puisqu’elle sera évidente. Vous devriez, à ce sujet, lire un texte fondateur, pour moi: “Je suis comme une truie qui doute”, de Claude Duneton...... Je viens tout simplement de comprendre que jamais, jamais, le peuple de France ne sera à la hauteur de son héritage culturel.... Pas même moi. Et, ce, peut-être, parce que j’ai jusqu’à présent choisi d’y vivre. Je viens d’un temps oublié qu’il est convenu d’appeler les années 70. Dans ce temps, on pouvait voir, sur les écrans, sur scène, dans les librairies, des choses formidables. Un tas de choses formidables. Parmi elles, un film : “Allemagne mère blafarde”, de Helma Sanders-Brahms. Dans ce film, l’héroine, au sortir de la seconde guerre mondiale, qu’elle traverse avec beaucoup de souffrance, tente de recouvrer une vie normale. Mais son corps s’exprime. Elle est saisie, subitement, d’une paralysie faciale qui lui interdit de s’exprimer. Son visage est séparé en deux, un côté paralysé, un côté normal. Sur l’écran, on voit la douleur d’un peuple, le peuple allemand, qui s’est vu infliger par les vainqueurs une séparation déchirante entre Allemagne de l’est et de l’ouest. Parfois, la séparation entre corps et esprit se voit, se manifeste, prend corps, s’incarne. Et, donc, est.....

dimanche 15 avril 2012

Livres

«Ceux qui brûlent des livres finissent tôt ou tard par brûler des hommes». Heinrich Heine (1797-1856). Cette citation de Heine est très souvent appliquée au troisième Reich. Ce qui peut paraître anachronique, puisqu’il écrivait cela au dix neuvième siècle et que, à n’en pas douter, il faisait plutôt référence à l’inquisition et au passage aux bûchers d’hérétiques après qu’on a brûlé des livres interdits. Peut-être fait-il, même, allusion au glissement sémantique qui a conduit à nommer “autodafé” les bûchers d’hérétiques et non plus de livres. On parle donc de phrase “visionnaire”, puisqu’elle semblerait annoncer, justement, les crimes nazis. Là encore, on peut s’interroger sur la chronologie des faits. Dès 1925, dans mein kampf, Hitler faisait allusion aux juifs, aux communistes et aux Tziganes comme éléments “non allemands”. Et, à n’en pas douter, l’idée même d’élimination de ces populations pourrait bien avoir germé dans son esprit malade bien avant 1933, date du grand autodafé nazi. On peut donc s’interroger sur des variantes de la phrase de Heine: ne seraient-ce pas plutôt ceux qui peuvent brûler des hommes qui brûlent des livres? Ce qui m’embête un peu plus dans cette phrase, très utilisée par les penseurs romantiques au grand coeur, c’est l’espèce d’équivalence, qu’elle contient indéniablement, entre hommes et livres. Tout écrivain raisonnablement sensé devrait convenir qu’on doit pouvoir donner tous les livres pour sauver un homme, à plus forte raison une communauté. Les livres sont des productions humaines et leur côté sacré n’est pas, à première vue, évident. Sauf à considérer que tout livre est une réplique “du livre”. Une mystique, en quelque sorte. La “religion” du livre. Que serait le monde sans livres, me direz-vous? Il est certain qu’il serait autre. Meilleur? Pire? Qui peut dire? Mais il est un cas où l’assimilation entre livre et Humain ne peut s’opérer. Je veux parler des civilisations orales, comme il en existait, par exemple, et il y a peu, comme il en existe encore, en, Asie, en Afrique, avec les célèbres Griots. Un Griot qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle, disait-on à l’envi. Dans ces sociétés, en tous cas, pas question de brûler des livres, même pas de savoir si l’on commence par le livre ou par l’Homme, ce qui n’a en rien empêché de brûler des Hommes. Il y aurait là comme une déconnexion entre les deux que je n’en serais pas étonné. Ce qui me donne à penser que l’équivalence livre-Homme ne peut avoir lieu que dans un seul endroit. Et, cet endroit, c’est évidemment le cerveau du tortionnaire. Ce personnage est un être illuminé, au mieux, fanatique et barbare, en général, inculte, la plupart du temps. Pour lui, pour ses acolytes fanatisés, un être humain n’a pas plus de valeur qu’un morceau de papier. Pour lui et pour lui seulement, brûler un livre, qu’il abhorre évidemment, puisqu’inculte et plein de ressentiment face à la culture, brûler un livre, donc, c’est aussi grave ou aussi peu grave que brûler un homme. Ceci posé, reste à comprendre pourquoi le consensus sur l’équivalence perdure et pourquoi de nombreux intellectuels continuent d’affirmer que brûler des livres ce serait comme brûler des Hommes, ou, plus exactement, que brûler des livres indiquerait une capacité à brûler ensuite des Hommes. Je ne vois pas d’autre explication que celle évoquée plus haut : pour eux, un livre est sacré. Ils croient en la “religion du livre”. Bien qu’écrivain, bien que passioné de littérature, bien que persuadé de l’immense importance de la culture livresque, je vous l’avoue : je veux bien qu’on brûle des livres, et même pour de très mauvaises raisons. On se sortira de ce massacre. Voir Farenheit 451. Mais à condition qu’on ne touche pas un seul cheveu de la tête d’aucun humain. Et si vous me répondez que l’un ne peut pas aller sans l’autre, je vous répondrai que vous m’avez sûrement mal lu ou bien que vous êtes.....


PS: Je ne peux pas laisser ces points de suspension sans explication, supputant que vous allez y mettre immédiatement le mot con. Ce n’est pas le sens induit. Ce que je voulais suggérer, c’est que vous êtes l’un, graine de dictateur, ou l’autre, religieusement attaché au livre.... Mais, ceci dit, votre élan premier était peut-être le bon.

vendredi 13 avril 2012

De plus en plus bêtes?

L’intelligence humaine serait sur le déclin.... Disons que l’intelligence moyenne, celle qu’on mesure par des tests, est en baisse. Je vous vois, bande de coquins.. Vous vous dites tout de suite : ah bah ! .. je confirme.. Qu’est-ce qu’ils sont cons, les autres!.... Le problème, c’est que c’est la moyenne qui baisse et que la moyenne, elle tient compte de vous aussi. Serait-on, donc, plus cons qu’avant? En voilà une bonne question, pas vrai?.... Admettons que ce soit vrai. Quelle pourrait en être la raison? L’éducation?.. C’est la première idée qui vient.. le niveau baisse, c’est bien connu... Et comme ça dure depuis longtemps, les parents étant eux-mêmes plus cons, leur progéniture serait victime de l’abêtissement général.... C’est une idée. La génétique?... Pourquoi pas?... Il se pourrait que l’espèce humaine soit déclinante, que nous soyons ce qu’on nomme une “fin de race”.... Beaucoup de gens pensent que l’avenir de l’Humain est relativement compromis.... Peut-être avons-nous entamé le déclin en commençant par la dégénérescence du cerveau. Autre idée, la mondialisation. Dans un sens le plus global envisageable. En élargissant le champ des connaissances possible, peut-être nous amène-t-elle à notre limite. Par exemple, en multipliant, à chaque instant, la quantité d’informations disponibles, peut-être nous contraint-elle à ne plus tout comprendre. Il y a également son aspect technologique. En particulier le numérique. Cet outil que nous avons ajouté à nos capacités, qui les multiplie quasiment à l’infini, peut-être nous impose-t-il un contact avec notre propre limite de réflexion, alors que, lui, ne semble pas en avoir. Mais on ne peut chercher les raisons de la baisse de l’intelligence moyenne mesurée sans mettre en cause l’instrument de mesure lui-même. Soit qu’il soit inadapté, soit qu’il soit mal étalonné. En gros, que le logiciel qu’il utilise soit faux. Malgré tout, je suis très amusé par cette nouvelle. Elle signifierait que l’Homme “augmenté” se retrouve, en fait, diminué. Elle confirmerait une idée qui trotte dans ma tête depuis des lustres. A mon avis, depuis l’invention de la bombe atomique, l’être humain est débordé par ce qu’il a créé. Aucun esprit, peu, très peu, en tous cas, ne peut s’enorgueillir de dominer encore la complexité de notre communauté humaine et, en tous cas, pas sous tous ses aspects. On est peut-être plus cons mais, de toute façon, l’intelligence moyenne ne peut y suffire.

vendredi 10 février 2012

Humanisme

L’existentialisme est un humanisme... Péremptoire affirmation de Jean-Paul. Une sorte de slogan qui lui est beaucoup reproché. Sa théorie de l’existentialisme, aujourd’hui unanimement raillée, et sûrement à juste titre, à cause, principalement, de sa vacuité, est, pour les anti, avec sa sympathie pour les théories marxistes, la raison de sa condamnation, le prétexte évident de lui préférer Camus. Une seule chose me paraît avoir été un peu oubliée, c’est que l’humanisme n’est pas un idéal. Tout philosophe raisonnablement critique devrait avoir compris que l’humanisme n’est en rien un exemple, en rien une théorie universelle. Les plus exigeants auraient même dû constater que l’humanisme est lui-même un totalitarisme. Sartre tente un ultime sauvetage de sa fumeuse théorie en la raccrochant à un concept, certes universellement reconnu, mais qui sent pourtant la charogne. Ce qui, à mon sens, ne condamne absolument pas le travail de cet intellectuel brillant et n’autorise surtout pas de se jeter dans les bras d’un autre, bien plus contestable sur beaucoup d’autres points. L’humanisme est une catastrophe intellectuelle. Ce qu’on pourrait reprocher à Sartre, c’est de ne pas l’avoir perçu. Ce qui ne justifie en rien les tenants de l’attitude inverse. Les scientifiques du dix-huitième siècle avaient déjà conceptualisé, à leurs dépends, cette notion, en énonçant un principe aujourd’hui risible : la nature a horreur du vide. Ils ne faisaient que traduire une profonde tendance de l’esprit humain: aucun n’est capable de laisser une question sans réponse. En référer à l’humanisme n’est qu’une clause de survie. La dernière chose qu’on peut proférer avant que de se faire définitivement brûler sur le bûcher des idées reçues. Reste qu’aujourd’hui, loin des lueurs de ce bûcher, l’humanisme a vilaine figure, tendance totalitaire. Et la solution aux problèmes théoriques qu’ont pu nous poser l’échec des communistes au pouvoir et leurs idéologues ne peut en rien se trouver du côté des humanistes modernes, surtout quand ils ne sont pas si modernes que ça. En résumé, Camus n’est pas un substitut valable de Sartre. C’est ensemble qu’il faut les jeter ou bien n’en jeter aucun, ce qui serait quand même le mieux.

mercredi 8 février 2012

Abîme.. Rapide et elliptique.....

On nous a bassiné, un temps, avec le concept de “fin de l’histoire”. Une pensée née de l’effondrement de “l’empire” soviétique. La fin de l’histoire, ce serait la fin des idéologies autres que capitalistes, la victoire totale du libéralisme. Le meilleur des mondes possibles. La moindre objectivité sur l’état du monde démontre aisément que l’histoire n’a pas cessé d’exister.

Autre vessie déguisée en lanterne, la fin de la philosophie. Que serait la question? Qu’on le veuille ou non, que cela plaise ou non, la question est, demeure, persiste à être celle de dieu, au sens d’un ordinateur, ce qui organise, la force à laquelle nous devons l’état du monde, la cause de toute chose. Tous les philosophes, ce qui n’est pas exactement la même chose que la philosophie, tous, ont tenté de résoudre la question de l’existence ou non d’une puissance supérieure, la démontrant, la réfutant, jusqu’à nous annoncer sa mort, mais, toujours, au nom de la seule valeur reconnue par tous, la raison. Peine perdue, simplement du fait que la raison ne peut, par essence, envisager ce qui n’est pas de son ressort. Dieu n’est pas raisonnable, au sens où la raison ne peut l’envisager. C’est égal. Dieu reste LA question philosophique. Que serait-ce, alors, que la fin de la philosophie? La résolution définitive de l’unique problème?... Pas de dieu, un dieu, plusieurs? Ce que les philosophes n’ont pas perçu, à mon sens, c’est qu’à force de travailler autour du concept de grand ordinateur, ils n’ont fait que le rapprocher du concevable. Jusqu’à le rendre mortel, ce qui est un paradoxe énorme, convenez-en. Ce qui a échappé aux philosophes déistes autant qu’aux athées, c’est tout simplement que leur recherche faisait d’eux-mêmes des dieux. Si Dieu existe, au fond, c’est probablement un type assez semblable à Platon à Kant, à Spinoza et même à Nietzsche. Pour un unique motif: le fait que la raison ne peut disserter que de ce qu’elle perçoit, c’est à dire la raison. Le concept de dieu ne peut être considéré par la raison. Tout juste la raison peut-elle nous amener au bord du précipice que représente cette question. L’exigence que nous devrions avoir envers nos penseurs, ce serait d’avoir le courage de la laisser en suspens. La volonté même de tenter une solution ne peut avoir qu’une seule conséquence: un bouclage sur soi-même. Le philosophe me semble ontologiquement condamné à ne jamais pouvoir répondre à la seule question qu’il se pose en réalité. La fin de la philosophie est donc consubstantielle à la philosophie elle-même, comme un serpent peut, en théorie, s’absorber lui-même en mordant sa queue. Mais qui, me direz-vous? Si.. Je l’affirme.. Vous demanderez qui.. Parce que, justement, vous ne savez pas laisser une question sans réponse. En ce sens, vous êtes tous, comme l’affirme la doxa, des philosophes. Qui?... Une sorte d’humains me paraît adaptée à cette question. Ce sont les scientifiques et, parmi eux, ceux qui travaillent à l’histoire de l’univers. Laplace disait, parlant de dieu : je n’ai pas besoin de cette hypothèse... Les gens qui travaillent sur le “Big Bang” ne cessent de reculer l’échéance et, pour eux, la question de dieu ne se pose pas encore. Simplement parce que c’est une question d’une profondeur infinie. La réponse à cette question n’est pas, pour eux, d’actualité. Ce qui incite à penser que les philosophes, quant à eux, ont toujours cruellement manqué de recul. Ce dont je conclurais, de manière tout à fait personnelle, que la philosophie porte en elle le mal qui la fera périr. Ou bien que la philosophie est une chose bien trop sérieuse pour être confiée aux philosophes.

dimanche 5 février 2012

Camus ?.. Non ! .... Onfray...

Michel Onfray.... Quand Michel est arrivé sur le marché, je suis certain qu’on a été beaucoup, comme moi, à y croire.... Y croire... encore!... Un philosophe populaire, dis donc!.... Issu du peuple, je veux dire... Mais, lui, manifestement, le double sens de populaire, ça lui a échappé.. Pas immédiatement.. Avec degrés.... Ça a commencé à chauffer avec Nietzsche et la gauche.. Pas que le sujet soit inintéressant... Mais on a vu Michel y exercer sa volonté de puissance. LE nietzschéen de gauche, c’était lui et rien que lui.... Après, il y a eu Freud. Là, Michel, il s’est dévoilé.. Un peu plus, sûrement, que ce qu’il voulait.. Et maintenant, voilà Camus.... Là, c’est contre-pied. Camus est tellement consensuel, le genre gendre idéal, qu’on ne s’attendait sûrement pas à le trouver là, notre Michel rebelle (belle et rebelle, faut reconnaître...). Camus, je ne veux même pas en parler.... Et surtout pas dans les termes de l’opposition à Sartre. C’est ça qui est à la mode. Le crapaud maoïste et lubrique doit rendre gorge, même au prix de tous les mensonges.... Ceux que je plains, en vérité, ce sont tous les penseurs alternatifs qui ont beaucoup investi dans le personnage Camus... Je ne suis pas certain que notre Michel leur ait rendu un grand service.....