jeudi 4 octobre 2012

Ras le bol

Je traverse une période d’intense malaise. Presque d’ordre psychiatrique. Une espèce de rupture, en moi, entre le corps, ce qui respire et bat en moi, et l’esprit. D’accord, vous dites-vous. Mais qu’est que cela vient faire sur un blog dont  l’intitulé est : “philo”. C’est tout simplement que je crois avoir déniché un embryon d’explication à ce malaise. La question n’a rien à faire ici, si vous voulez, mais la réponse, oui. Et cette réponse commence par une constatation : je suis français. Aucune gloire, pour moi, à être ce qui n’est que le fruit d’un hasard à la fois géographique et génétique. Aucun patriotisme d’aucune sorte en moi. Cependant, je ne peux le nier : je suis né en France. Et, conséquence, mon éducation est française. Ce qu’on peut appeler ma culture l’est donc également. J’ai de la chance, me direz-vous, puisque, question culture, la France est ce qu’on peut faire de mieux ou à peu près et, si je devais donner mon avis, je dirais même que c’est la culture la plus complète au monde, n’en déplaise aux ethnologues relativistes. Pour moi, donc, et parce que je suis né sur ce territoire, les notions de pays et de culture sont confondus. Je suppose que pour un espagnol, par exemple, cette confusion entre culture française et France est exclue. Comme tout bon français, j’ai été biberonné aux concepts issus des événements qui ont jalonné notre histoire: la Révolution, les Lumières, le seconde guerre mondiale, entre autres. Et, bien entendu, ma culture livresque est fondée sur la lecture, en premier lieu, des écrivains de langue française, Hugo, Rimbaud, Baudelaire, Aragon, Diderot, Molière, et tous les autres.... Bien sûr, j’ai lu des auteurs étrangers. Enormément et de toutes origines.  Mais, sauf cas rares, je ne les ai pas lus dans leur langue d’origine mais dans une traduction en français. Tout ceci pour vous faire saisir que, jusqu’à une date récente, il y avait, en moi, une fusion naturelle entre ma nationalité et mon être profond. Encore une fois, sans aucune fierté ni aucune revendication. Seulement voilà.... Depuis quelques temps, la France m’emmerde. J’ai rejoint le club très fermé des penseurs qui détestent leur peuple. Nietzsche, évidemment, mais également Bernhardt, Becket, à un niveau moindre, Joyce, probablement, Wilde, on comprend pourquoi, enfin bref, que du beau monde. Du beau monde dont la pensée, en tous cas, est assez peu amène avec le pays qui les a vus naître. Ce qui m’arrive n’est donc pas très original. Et ce qui m’arrive est tout bête: je finis par vous détester. Vous abhorrer, même. Rien de ce qui vous mobilise ne trouve grâce à mes yeux. La politique, vous êtes lamentables, là, quand même, le sport, j’ai toujours détesté le sport, mais là, vos médaillés, vos héros, vos crétins en shorts, pardon !.., vos lectures, on ne va en citer qu’un, un qui a le dos large, parce que, dans ce milieu, on ne peut pas dire du mal des collègues, disons Levy, ce que vous allez voir au cinéma, les intouchables est la dernière connerie en date, vos convictions religieuses, faut vous voir sauter à pieds joints dans la guerre de religions, votre addiction aux jeux de hasard et à la Française des jeux, qui m’interdit chaque jour l’accès au comptoir de mon buraliste préféré, votre amour du gasoil et du nucléaire, totalement ineptes au regard de l’avenir, celui de vos enfants en particulier, votre abord aux questions sanitaires, totalement paranoïaque, votre relation à l’argent, la musique que vous écoutez, affligeante, les “comiques” qui vous font rire, jamais drôles, déplorables, vos idoles, d’une manière générale, un tas de crétins congénitaux, à croire que vous n’élisez au pinacle que qui vous ressemble, histoire de préserver l’idée que ça pourrait vous arriver, tout, tout, tout.... Exhaustivité impossible... TOUT. Tout dans le médiocre, le navrant. Vous allez me dire que la terre ne va pas s’arrêter de tourner parce que je vous déteste et vous aurez raison. Vous allez me dire que j’ai qu’à me barrer, que ça fera de la place, que j’ai qu’à trouver mieux, si j’y parviens... Et là, je vais vous répondre. Si, un jour, lassé, à bout, je finis par émigrer, vous abandonner à votre bain de lisier, j’aurais fait un grand pas sur mon chemin personnel... Tout simplement parce que, dans un autre pays, les gens ne s’exprimeront pas en français et que je n’aurais plus à supporter cette impression permanente de souillure de mon esprit, que, dans un lieu étranger, la séparation entre mon esprit et mon corps ne sera plus un problème puisqu’elle sera évidente. Vous devriez, à ce sujet, lire un texte fondateur, pour moi: “Je suis comme une truie qui doute”, de Claude Duneton...... Je viens tout simplement de comprendre que jamais, jamais, le peuple de France ne sera à la hauteur de son héritage culturel.... Pas même moi. Et, ce, peut-être, parce que j’ai jusqu’à présent choisi d’y vivre. Je viens d’un temps oublié qu’il est convenu d’appeler les années 70. Dans ce temps, on pouvait voir, sur les écrans, sur scène, dans les librairies, des choses formidables. Un tas de choses formidables. Parmi elles, un film : “Allemagne mère blafarde”, de Helma Sanders-Brahms. Dans ce film, l’héroine, au sortir de la seconde guerre mondiale, qu’elle traverse avec beaucoup de souffrance, tente de recouvrer une vie normale. Mais son corps s’exprime. Elle est saisie, subitement, d’une paralysie faciale qui lui interdit de s’exprimer. Son visage est séparé en deux, un côté paralysé, un côté normal. Sur l’écran, on voit la douleur d’un peuple, le peuple allemand, qui s’est vu infliger par les vainqueurs une séparation déchirante entre Allemagne de l’est et de l’ouest. Parfois, la séparation entre corps et esprit se voit, se manifeste, prend corps, s’incarne. Et, donc, est.....

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