Glucksmann fait la tournée des popotes pour promouvoir son dernier opus (espérons que c’est le dernier!..), qu’il présente lui-même comme son testament, rien de moins. Cette fois, plus de doute: papy sucre les fraises...
Parmi toutes les horreurs que j’ai relevées dans son discours de tournée publicitaire, je retiens, point dialectique, son choix d’opposer Heidegger à Socrate, en tant qu’ils représenteraient les “deux chemins de la philosophie”... D’après ce que j’en ai saisi, le clivage essentiel tiendrait à l’enracinement. C’est audible. Ce qui me turlupine, c’est le choix de Mr G.. Les bases de ce choix, pour commencer. Le bien et le mal, évidemment. Je suis plutôt de ceux qui pensent que bien et mal sont des notions tout à fait relatives, culturelles, dont la définition varie au cours du temps mais, pire, qu’il n’y a ni bien ni mal: il y a. Dès l’abord, ce choix me semble faire l’impasse sur le pan de la pensée qu’on pourrait appeler nietzschéenne, si l’on inclut dans ce terme ses racines. Soupçon confirmé par une phrase prononcée lors de l’entrevue: “Philosopher, c’est révéler ce qui, en nous, est inhumain”... Cette phrase absolument hors de logique n’est tout simplement pas celle d’un philosophe. Vous n’aviez pas attendu après moi pour savoir que Glucksmann n’est pas philosophe? Je confirme, en tous cas. Mr Glucksmann!.. Si c’est en nous, ce n’est pas inhumain!... Au sens moral, il se peut de considérer une chose comme inhumaine. A la condition de définir cette morale. De tracer une ligne bien nette entre bien et mal. Ce que vous faites, implicitement. Ce qui en dit long sur votre pensée. Mais le mal, André, il est en nous, pas inhumain. Humain trop humain, pourrait-on dire. Indéniablement, vous avez fait l’impasse sur Nietzsche. Sur Freud également. Pour un philosophe du vingtième siècle, c’est assez surprenant. Défaut de vision, manque de recul, confusion, mise “sur le même plan” de morale et ontologie. Philosophe?...
Socrate est le dernier philosophe préplatonicien, et pour cause, puisque Platon était son disciple. Vous savez mon goût pour Nietzsche et le sien pour les préplatoniciens. En tant qu’ils sont étrangers à l’idée d’éternité de l’âme. Platon est l’inventeur de la religion du livre. Religion du livre à quoi il me semble que Mr G. n’est ni indifférent ni étranger. Socrate ne fait pas partie de cette histoire. D’où mon étonnement pour ce choix. André nous dit que, pour lui, Socrate, c’est la sigüe. La mort dans la sagesse. Tous les modernes considèrent cette idée comme un contresens absolu. Socrate n’est pas celui qui nous enseigne que la sagesse serait de savoir mourir ou bien d’apprendre à mourir. Un philosophe mais alors du dix neuvième, Mr G.?
Autre pôle de la réflexion glucksmanienne, Heidegger. Heidegger en tant qu’il est l’image de l’authentique philosophe qui se fourvoie dans le mal absolu, le nazisme. Question: comment un vrai philosophe peut-il s’égarer à ce point? Là, Mr Glucksmann, j’ai envie de vous renvoyer à votre miroir. Contradiction. Si vous êtes philosophe, expliquez vous-mêmes vous égarements. Ou bien, peut-être, alors, admettez-vous vous-même que vous ne l’êtes pas? Poser la Shoah comme le mal absolu, et non comme l’une des facettes du mal absolu, c’est évidemment un choix. Quid de Voltaire esclavagiste, par exemple? Poser la Shoah comme le mal absolu, c’est évidemment désigner Heidegger, par logique pure, comme le représentant de la branche de la philosophie à quoi on ne veut souscrire pour rien au monde. Le but initial de Mr G. étant de séparer la philosophie en deux “chemins”. Cela frise la tautologie. La conclusion et l’hypothèse se confondent.
Si l’on retient, par exemple, le refus nietzschéen d’une chronologie dans l’histoire de la pensée, il paraît alors, et d'emblée, illusoire de créer deux chemins très nettement séparés dans l’histoire de la pensée. Cette thèse prend l’eau de toutes parts. De plus, l’impasse sur Nietzsche se confirme. Or, dites-le moi, comment peut-on comprendre Heidegger sans la clé que représente la pensée nietzschéenne? Et à qui Nietzsche doit-il sa réputation de philosophe nazi, ayant inspiré le nazisme, si ce n’est à Heidegger, qui le considérait, d’ailleurs, comme nihiliste, soulignant, par là, son inclination à penser la transcendance en terme de foi ?
La seule voie que je parviens à distinguer en philosophie, c’est celle qui commence avec Aristote et Platon et qui, à mon avis, égare la philosophie dans la question théologique. Ironie, cette idée semble celle qui a présidé à l’oeuvre de Heidegger qui, on le sait, considère effectivement l’hypothèse d’une “parenthèse” commençant à Platon. Peut-être faut-il voir ici la raison profonde du choix de Mr G. pour Socrate. Comme un désir de combattre Heidegger sur son propre terrain. Peut-être montrer que c’est en condamnant Platon et, conséquence, la “religion”, que Heidegger s’égare. Comme l’affirmation de la nécessité d’une croyance pour l’Homme. Mr G. partagerait donc, avec beaucoup de philosophes post-platoniciens, cette idée qu’il est bon de croire pour le peuple.
vendredi 23 octobre 2009
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