Bon, je reconnais, j’ai une formation scientifique et non littéraire ou philosophique. A ma décharge, je voudrais signaler quelques noms d’ancêtres glorieux: Pascal, mathématicien, Thallès, Einstein, Heisenberg, tous les pré-socratiques et, d’une manière générale, tous les tenants d’un savoir qu’on a aujourd’hui tendance à catégoriser, ce qui n’a pas toujours été le cas. L’une des images à portée philosophique que je retiens de ma formation est celle des îlots. L’esprit commun retient du savoir qu’il est un archipel d’îlots séparés par une mer infranchissable. Dans cette vision, le savoir serait la cause qui permet de faire baisser le niveau de cet océan, ce qui aurait pour conséquence de nous autoriser à découvrir, au final, que l’archipel est un continent, que chaque île est reliée à sa voisine, à toutes les autres, pour peu qu’on ait réussi à faire baisser le niveau de manière satisfaisante. Pas de réelle différence, en vérité, entre le savoir sous sa forme que nous appelons mathématique, physique, chimique, littéraire, historique, sociale, humaine ou bien philosophique. Sous cet angle de vue, la philosophie devient pourtant, inévitablement, la science qui réunit toutes les autres. Le philosophe est l’omniscient absolu. Et la philosophie, la reine des clés du savoir. Il n’y a aucun concept qu’un philosophe ne soit capable d’appréhender, serait-il estampillé scientifique.
Qu’est-ce que la philosophie? Au sens commun: amour de la sagesse (philo: aimer, sophie: sagesse). Contresens aujourd’hui généralement admis. Nous le devons à Socrate, qui philosophait en mourant, d’où l’interprétation la plus répandue: philosopher, c’est apprendre à mourir. Un philosophe est le contraire d’un sage. Sans épiloguer, disons que la sagesse suppose une certaine résignation que le philosophe refuse. Démonstration à l’emporte-pièce: si les philosophes étaient des “sages”, ça se saurait. Donc, second essai, proposons: amour du savoir. Là, vlan, on tombe sur ma formation scientifique. Peut-on tout savoir? Le philosophe, s’il court après le savoir, a-t-il l’ombre d’une chance d’y parvenir? Que nenni, m’enseigne mon parcours. A l’état brut, ça donne: quelle que soit la forme choisie pour la mesure du savoir, par exemple, excellent critère, l’épaisseur de l’encyclopédie universelle, la courbe de l’ignorance, elle, est, de toutes les façons possibles d’envisager le problème, une courbe exponentielle. Rien, en mathématique, ne peut croître plus vite qu’une exponentielle. CQFD.. L’ignorance dominera toujours le savoir. Ce que, de manière populaire, nous pourrions traduire par: je sais que je ne sais pas. Facile à comprendre: plus j’ai de solutions aux problèmes que je me pose, plus ces réponses ouvrent la porte sur d’autres questions, questions que je ne pouvais pas entendre dans l’état de conscience qui précédait. Conséquence, si philosopher est synonyme de savoir, la quête est dès l’origine réfutée: nous ne pouvons pas savoir. Voir Heisenberg. Le philosophe en devient immédiatement ce que les gens en pensent: un pignoleur. Troisième essai: l’amour des questions, du questionnement. Là, on s’approcherait, à mon sens. Même si question ne se dit pas “sophie” en grec. L’amour de ce qui persiste au-delà des réponses. L’amour du vertige. La passion du questionnement. Une tendance actuelle est plutôt de considérer la philo comme l’art des réponses. Le philosophe se fout des réponses. Ce qui l’intéresse, c’est la question suivante. A cet égard, dieu, par exemple, pourrait ne pas être un sujet pour le philosophe, du moins sous son aspect réponse, qui est, reconnaissons, le plus répandu, puisque seule la question est sujet. Et revoilà dieu....
J’avais pourtant pris la résolution de ne plus en discourir, au prétexte que discourir est accréditer, rien à faire, le revoilà.. Ce qu’on jette par la fenêtre revient par la porte ou par la canalisation des toilettes. Dieu, en ce moment, c’est un sujet. Un abominable sujet. De partout, il nous revient, insidieusement, inexorablement. La philosophie analytique, par exemple, qui nous remet l’hypothèse sur le grill. je cite: “ à l’opposé de Laplace, considérer l’hypothèse dieu”... L’argument est de considérer la chose, peser le pour, le contre, voir les apports, les défauts, et de choisir en toute logique entre oui ou non. Mon oeil!... Il ne s’agit de rien d’autre que de réintroduire dieu en philo... En sciences, pareil. La nouvelle tendance est de considérer comme obsolète l’idée selon laquelle le savoir fait reculer les mythologies. C’est bien connu, depuis qu’on sait ce qu’est un volcan, Vulcain a un peu séché. Et bien ces idées sont “obsolètes”.. Paradigme périmé.... Il est possible, selon les tenants de la nouvelle (nouvelle, tu parles!..) théorie, de concilier démarche scientifique avec conviction religieuse.... Et, bien entendu, dans un cas comme dans l’autre, c’est celui qui refuse l’idée même d’un dieu qui passe pour un psychorigide, un suranné, un désuet, un archaïque. Ben tiens!.... Ce qui se passe ici est tout bonnement un drame pour l’esprit humain, un recul de plusieurs siècles, un renoncement à la lumière. Dieu revient!.. Au secours!.. Avec lui, les boniments sur le dessein intelligent, les intégristes, les préceptes moraux liberticides. Je ne dis pas que nos “philosophes” analytiques, nos “scientifiques” croyants sont eux-mêmes des intégristes. Je prétends qu’en ramenant dieu dans la sauce des idées et de la science, on ouvre la porte à toutes les convictions organiques en leur donnant du crédit. Une statistique récente montrait qu’un nombre très important d’étudiants en biologie, la science de la vie, hein, qui, à priori, devrait enseigner à quel point les mécanismes vitaux sont similaires d’un bout à l’autre du règne animal, une part proche de la moitié, donc, des étudiants, ne croyaient pas à la théorie de l’évolution et ne s’accordaient aucune parenté avec les primates. Ici, en France. Je vous raconte pas aux Etats-Unis.... Dieu est, devrait être, strictement, une affaire personnelle.... Rien de cette conviction ne devrait déborder dans le domaine public. Enseigner en intégrant la notion de dieu, c’est enseigner dieu.... Penser en intégrant l’hypothèse de dieu, c’est croire en dieu... Que chacun d’entre nous soit, un jour ou l’autre, amené à faire intimement le bilan de sa conviction, certes. Que cette conviction soit ramenée dans le champs du débat, acceptée comme hypothèse de travail, soumise au respect par autrui et, bientôt, indiscutable pour cause de ce même respect établi et estampillé, là, je crains qu’on y perde vraiment une part de la pensée antérieure, en particulier la part très importante de tous ceux qui, avant nous, ont, sur leur intime conviction, remis l’existence d’un dieu en cause. Je ne peux pas croire que ce retour du divin ne soit pas dû à des gens qui, eux-mêmes, ont des convictions religieuses, et qu’il ne s’agit pas ici d’une tentative de réinstaller le divin dans nos sociétés, souvent décrites comme en perdition, aveugles, éperdues, au prétexte qu’elles n’auraient pas su remplacer les bonnes vieilles valeurs par de nouvelles qui soient aussi structurantes. Je vous l’annonce.. Dieu est de retour.... Dans peu de temps, je suis certain qu’on le retrouvera au sommet de l’Etat.
mardi 29 septembre 2009
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