lundi 21 septembre 2009

Provocation et surhomme

La provocation à l’excellence est une attitude assez uniformément présente dans les rapports humains. C’est un concept, je le crains, assez universel. Il s’applique aussi bien à ceux qui font profession d’excellence qu’à ceux qui y renoncent. En d’autres termes, aussi bien à ceux qui s’aventurent à penser de manière novatrice et qui , confrontés aux coups de boutoir de leur entourage, au sens large, se sentent constamment incités à se surpasser, à s’exposer encore, parfois de manière très primaire, souvent sous forme de coups bas, qu’à ceux qui y renoncent, la majorité, hélas, qui, ayant entrevu un instant la hauteur de l’enjeu, sombrent presque systématiquement dans la violence, imputable à la douleur inhérente au renoncement, s’abandonnent à la facilité du “détruire” plutôt qu’à la tâche du “démontrer”. Ainsi en va-t-il, me semble-t-il, de tous les sales gosses qui insécurisent joyeusement nos cités et qui s’en prennent, assez généralement, aux institutions qui, à leurs yeux, deviennent le symbole de leur contradiction. Je prétends qu’il y a une part de reddition dans la délinquance. La provocation à l’excellence est devenue si banale qu’on ne s’aperçoit presque jamais que c’est elle qui provoque, chez certains d’entre nous, le passage à la destruction. La pression est énorme. On ne devrait pas en vouloir à tous ceux qui ploient sous ce joug. Mais, si elle est, à mon sens, pour une part, responsable de beaucoup des maux de notre jeunesse, je pense également qu’elle est responsable d’une part de l’absence patente de ceux qui relèvent le gant, les intellectuels, dans le paysage culturel actuel. La capacité d’analyser le phénomène n’est pas, pour ceux-là, qu’un avantage. Elle provoque généralement chez eux ce qu’il est convenu de nommer “tentation de la montagne”. Un isolement volontaire, une considération définitivement infinitésimale pour la “plèbe”. Les exemples ne manquent pas de haine pour les intellectuels puissants qui auraient révélé la nature profonde de l’esprit humain. Bien délicat est le chemin qui consiste à refuser, d’une part, l’isolement volontaire et plein de dédain de celui qui est conscient dans le même temps qu’on refuserait, avec la même volonté, les pulsons destructrices. De cette constatation découlent une foule de clés de compréhension de nos sociétés modernes. L’abhorration des intellectuels autant que la condamnation consensuelle de tous les déviants violents, qui ne manifestent, en fait, que leur impossibilité de régenter l’énorme pression que, tous, nous faisons peser sur leurs épaules. Dans ce contexte, la réaction des intellectuels n’est pas la pire. C’est pourtant celle que, tous, unanimement, les tenants du bon sens s’acharnent à éradiquer. Comme si l’exhortation à l’excellence soulignait de manière évidente l’incapacité du plus grand nombre à affronter son indigence intellectuelle. Vous avez dit “surhomme”?

6 commentaires:

  1. Trente rayons autour d'un moyeu :
    le vide central fait l'utilité du chariot.
    On moule l'argile en forme de vase :
    le vide du vase en fait l'utilité.
    Une maison est percée de portes et fenêtres :
    ces vides font l'utilité de la maison.

    Ainsi tirons-nous avantage de quelque chose :
    le rien en fait l'utilité.

    TAO TE KING XI
    LAO TSEU
    et sa filiation chez Héraclite

    007

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  2. puisque je vous tiens, tiens, je vais en profiter.. Vous me semblez avoir la culture nécessaire pour répondre à cette question: à quoi correspond la référence faite par Aragon dans "les poètes" à l'étoile Hölderlin? Merci de votre réponse.. Et également merci pour vos commentaires, parfois amphigouriques, mais amenant toujours à plus de réflexion...

    PP

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  3. Malgré son grand âge non compatible
    avec les épreuves de rattrapage,
    De l'avis d'un discoureur verbeux
    jaseur au cailletage
    palabreur au caquetage
    Admonesté si ce n'est stigmatisé
    pour sa verbosité logorrhéïque
    abstruse, inepte et absconse
    Il pourrait s'agir, en accord avec Heidegger
    du fondement de la tonalité poétique...
    ou plus simplement
    d'un accès de Chardinisme inconscient

    Le maillon faible
    Docteur es Pont aux Anes
    007

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  4. Mon Cher Pascal

    Quel étonnant prénom pour un athée
    Dressé et lumineux comme le cierge
    Doux et consentant comme l'agneau

    Prénom marqué d'une forte dualité
    Le fusain et la gazelle ai-je lu
    dans un traité de vulgarisation.

    Le sujet n'est point le choix de vos parents
    mais une "devinette", chacun son tour !

    En 1936 qui put écrire ce texte ?

    La VÉRITÉ n'est pas autre chose que la cohérence totale de l'Univers par rapport à chaque point de lui-même. Pourquoi suspecter ou sous-estimer cette cohérence parce que nous sommes nous-même l'observateur ? On oppose sans cesse je ne sais quelle illusion anthropocentrique à je ne sais quelle réalité objective. Cette distinction n'existe pas. La Vérité de l'Homme est la vérité de l'Univers pour l'homme, c'est-à-dire, la Vérité, tout simplement.

    Le fait de rapporter ces écrits à votre analyse ne pré-suppose en rien mon adhésion à son sens réel ou supposé.

    Merci de combler mon ennui
    Jacques 007

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  5. les yeux fermés.. T de Chardin.... Pas mon préféré en philo... malgré mon prénom...

    PP

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