J’ai toujours été
persuadé que les gens qui ont réponse à tout et rétorquent à la
vitesse de l’éclair à toute proposition, ce qu’on croit
l’indice d’une finesse d’esprit, ne sont, en vérité, que des
crétins. Pour la simple et bonne raison que répondre dans l’instant
à une problématique ne peut avoir qu’une explication : on n’a
tout simplement pas compris la question. Ou, du moins, on n’a pas
pris le temps d’en mesurer toute l’étendue. Toute question,
aussi bête soit-elle, génère immédiatement une arborescence
infinie de réponses possibles, suivant les différents angles
envisageables, suivant le nombre incalculable de situations qu’elle
suppose, suivant l’empathie réelle dont vous êtes capable, c’est
à dire votre faculté à vous mettre réellement à la place de
l’autre, dont vous ne savez rien, à priori, et dont vous devez
envisager, alors, toutes les facettes. Cette espèce humaine très
spéciale qu’on nomme « les intellos » se noie
immanquablement sous le poids de toutes les implications
envisageables, tout en en oubliant la majorité, d’ailleurs, ce qui
a pour conséquence immédiate qu’un intellectuel commence toujours
ses réponses par un silence. Mais le terme « toujours »
est, comme il est normal, ici, usurpé. Parce que, hélas, les
questions sont trop souvent convenues, entendues mille fois.
Conséquence, le grand homme passe en mode automatique et répond du
tac au tac, comme un vulgaire intellectuel de comptoir, mais,
différence, répond néanmoins, dans tous les cas, une chose
élaborée, longuement mûrie, analysée et plutôt intelligente,
dans les meilleurs cas. C’est une chose que tous les personnages
« à la mode », en vue, ont très bien comprise et que
l’on nomme « langue de bois ». Une faille dans la
cuirasse de l’intellectuel, qui en a beaucoup d’autres, et qui ,
pour lui, tient surtout à la fatigue et à son mépris du monde tel
qu’il va. On le lui reproche suffisamment pour qu’il ne paraisse
pas essentiel d’y insister. Par contre, cette constatation est, le
plus généralement, la porte ouverte au concept de « trahison
des clercs » dont on parlait autrefois, cet autrefois où l’on
parlait encore de ces problématiques aujourd’hui jugées « has
been », et qui, bien qu’elle soit un peu vieillotte, ce qui
ne la condamne pas à l’oubli, voire n’obère guère sa capacité
à passer dans l’histoire, garde, à mon sens, quelque acuité. Il
n’est qu’à voir cette rumeur récente alertant sur le fait que
la politique étrangère de la France ne se ferait plus au quai
d’Orsay mais dans le bureau de BHL. Je suppose que jamais aucun
procès ne condamnera le sieur BHL le jour où la politique
extérieure de la France sera enfin montrée du doigt pour sa
responsabilité dans l’état actuel du monde terrible dans lequel
nous vivons. La langue de bois, c’est un langage adopté par les
clercs, quels qu’ils soient, pour se vendre, donner cette
impression qu’ils sont compétents en toute circonstance, qu’ils
ont la réponse. Les clercs et les politiciens étant tous concernés,
ils se repaissent évidemment des médias où ils sont interrogés
par d’autres tenants de ce langage sans langage, ces questions sans
questionnement. Si bien que nous sommes habitués aux discours creux,
aux poncifs, en un mot : à la crétinerie. Je n’ai rien à en dire
de plus. Si cela ne me plaît pas, je n’ai qu’à couper le son.
Mon problème, c’est que la règle impose à tous le standard
actuel des « réponses immédiates ». Particulièrement
aux médias et aux politiciens. Il ne s’agit plus d’être
intelligent. Il faut faire « le malin ». En quelques
exemples simples : GW Bush, Sarkozy, Hollande, Valls, Poutine, Blair,
Cameron... En gros, un fait divers, une loi, un attentat, une guerre.
N’importe quel dirigeant un tant soit peu sensé prendrait au moins
une à deux semaines de réflexion avant de modifier la loi, la
constitution et, partant, le futur de son pays ou de mobiliser les
troupes.. Les nôtres, non. Ça, c’est la preuve irréfutable de
leur indécrottable crétinerie. D’une personne qui réagit trop
tard, on dit souvent qu’il a l’esprit d’escalier, celui qui se
manifeste une fois la porte refermée seulement. Peut-être
devrait-on multiplier les escaliers dans les allées du pouvoir.
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