vendredi 16 janvier 2015

Jeunesse éternelle


J'entends par-ci, par-là des intellectuels, des experts, des possesseurs de cerveaux, parfois, évoquer le souvenir de la bande à Baader, des brigades rouges, d'Action Directe, pour expliquer les derniers attentats qui se sont produits en France depuis l'affaire Mérah. La question étant, évidemment, de comprendre comment ces gens, qu'on a immédiatement classés dans la catégorie « terroristes islamiques », bien qu'ils soient tous français, tous enfants de la république française, produits de son école et des ses institutions, ont pu en arriver à de tels actes. Et bien je trouve pertinente la comparaison. A l'époque des terroristes de « gauche », on s'est empressé de tenter une responsabilisation de la gauche française et de ses dérives totalitaires. La vérité, c'est que la gauche française n'était en rien responsable et, donc, qu'aujourd'hui, le responsable n'est pas la religion musulmane. Tout simplement parce qu'il s'agit, dans les deux cas, de dérives très minoritaires d'une partie de la jeunesse en quête d'un idéal absolu. Une chose très ordinaire et dont tout le monde sait qu'elle nous est à tous commune : la difficulté à s'intégrer dans une société qu'on trouve à la fois injuste et peu désirable. Dans les années 70, cela se traduisait par la dénonciation du « métro, boulot, dodo »... Aujourd'hui, cela se traduit par la dénonciation du caractère inégalitaire en objectivement insupportable du capitalisme. Non, définitivement non, la religion n'y est pour rien. Elle n'est qu'un prétexte. Non, définitivement non, nous n'avons pas de problèmes avec les musulmans de France. Le seul réel problème que nous posent les réactions violentes de notre jeunesse, c'est une remise en cause de la manière dont nous avons choisi de faire « société ». En vérité, notre choix de faire ou non « société ». Notre profond désir de partager ou non. Je ne vous apprends rien : ces temps-ci, nous préférons tous, sans exception, notre propre devenir à celui du voisin. Ce que les esprits faibles nomment « l'individualisme » et qui est en vérité que de l’égoïsme. L’ambiguïté entre ces deux termes étant savamment entretenue par les pouvoirs en place, l'individualisme ayant pour but de faire de chacun de nous un être autonome et non prioritaire, une « personne », concept qui suppose la capacité de penser par soi-même et non comme le plus grand nombre. Mais, aujourd'hui, notre véritable problème, c'est que personne n'est en capacité de remettre en cause sa conception de lui-même, ce qui supposerait d'abandonner quelques privilèges et, souvent, les moyens du confort. Il est bien plus confortable, en fait, d'accuser un tiers. Aujourd'hui, ce tiers a un nom : islam. Cette dénonciation du choix d'un bouc émissaire ne m'empêche pas de considérer que, malgré Houellebecq, je n'affirme pas que l'Islam est la religion la plus con du monde mais que toutes se valent et qu'aucune n'est tolérable du point de vue de la raison. Comme beaucoup de nos « jeunes », je suis resté sensible à l'injustice. Accuser l'islam, comme on accusait et accuse encore la gauche française (voir le qualificatif « d'extrêmisme » largement appliqué aujourd'hui à Le Pen autant qu'à Mélenchon) est une injustice. Une injustice qui nous autorise à nous aveugler sur nous-mêmes. Et qui, donc, a de grandes chances de perdurer.

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