J'entends par-ci, par-là des
intellectuels, des experts, des possesseurs de cerveaux, parfois,
évoquer le souvenir de la bande à Baader, des brigades rouges,
d'Action Directe, pour expliquer les derniers attentats qui se sont
produits en France depuis l'affaire Mérah. La question étant,
évidemment, de comprendre comment ces gens, qu'on a immédiatement
classés dans la catégorie « terroristes islamiques »,
bien qu'ils soient tous français, tous enfants de la république
française, produits de son école et des ses institutions, ont pu en
arriver à de tels actes. Et bien je trouve pertinente la
comparaison. A l'époque des terroristes de « gauche »,
on s'est empressé de tenter une responsabilisation de la gauche
française et de ses dérives totalitaires. La vérité, c'est que la
gauche française n'était en rien responsable et, donc,
qu'aujourd'hui, le responsable n'est pas la religion musulmane. Tout
simplement parce qu'il s'agit, dans les deux cas, de dérives très
minoritaires d'une partie de la jeunesse en quête d'un idéal
absolu. Une chose très ordinaire et dont tout le monde sait qu'elle
nous est à tous commune : la difficulté à s'intégrer dans une
société qu'on trouve à la fois injuste et peu désirable. Dans les
années 70, cela se traduisait par la dénonciation du « métro,
boulot, dodo »... Aujourd'hui, cela se traduit par la
dénonciation du caractère inégalitaire en objectivement
insupportable du capitalisme. Non, définitivement non, la religion
n'y est pour rien. Elle n'est qu'un prétexte. Non, définitivement
non, nous n'avons pas de problèmes avec les musulmans de France. Le
seul réel problème que nous posent les réactions violentes de
notre jeunesse, c'est une remise en cause de la manière dont nous
avons choisi de faire « société ». En vérité, notre
choix de faire ou non « société ». Notre profond désir
de partager ou non. Je ne vous apprends rien : ces temps-ci, nous
préférons tous, sans exception, notre propre devenir à celui du
voisin. Ce que les esprits faibles nomment « l'individualisme »
et qui est en vérité que de l’égoïsme. L’ambiguïté entre
ces deux termes étant savamment entretenue par les pouvoirs en
place, l'individualisme ayant pour but de faire de chacun de nous un
être autonome et non prioritaire, une « personne »,
concept qui suppose la capacité de penser par soi-même et non comme
le plus grand nombre. Mais, aujourd'hui, notre véritable problème,
c'est que personne n'est en capacité de remettre en cause sa
conception de lui-même, ce qui supposerait d'abandonner quelques
privilèges et, souvent, les moyens du confort. Il est bien plus
confortable, en fait, d'accuser un tiers. Aujourd'hui, ce tiers a un
nom : islam. Cette dénonciation du choix d'un bouc émissaire ne
m'empêche pas de considérer que, malgré Houellebecq, je n'affirme
pas que l'Islam est la religion la plus con du monde mais que toutes
se valent et qu'aucune n'est tolérable du point de vue de la raison.
Comme beaucoup de nos « jeunes », je suis resté sensible
à l'injustice. Accuser l'islam, comme on accusait et accuse encore
la gauche française (voir le qualificatif « d'extrêmisme »
largement appliqué aujourd'hui à Le Pen autant qu'à Mélenchon)
est une injustice. Une injustice qui nous autorise à nous aveugler
sur nous-mêmes. Et qui, donc, a de grandes chances de perdurer.
vendredi 16 janvier 2015
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