lundi 8 juin 2009

Philosophie pratique

Allez, je vais vous la faire mépris et suffisance. Vous savez, le type qui sait et vous écrase de son savoir. Je me suis levé du mauvais pied. Pardon!... Coupable mais pas responsable, vous connaissez? Il faut que je vous dise: j’ai fait des études de physique. Des grosses, hein, pas le petit rien. Du solide. La relativité, je connais. Pas tout à fait la générale mais la restreinte, ça va, parfait. Einstein est un type absolument ahurissant. Il débarque et on apprend avec lui que tout est plus ou moins faux. Du moins que ce que l’on voit n’est pas crédible. Vous avez entendu parler de Newton... La pomme, bing, sur le crâne, eurêka!!... Albert nous dit que, contrairement à ce qu’on voit, puisque la pomme bouge, alors, son temps propre n’est pas celui de Newton. Pas non plus celui de la Terre, qui est le référent immobile de l’histoire. Si Newton, à ce moment-là, se comporte en humain, bougeant la tête de droite et de gauche, vlan!... son temps, celui de son regard n’est plus non plus celui de la pomme ni celui de la Terre. Si le vent souffle, agitant les branches du pommier, ce qui est une bonne hypothèse pour expliquer la chute de la pomme, du coup, la branche n’est plus dans le même temps que la Terre, pas plus que Newton, pas plus que la pomme. Une Terre, un pommier, une pomme, un homme, chacun son temps. A cause du mouvement. D’accord, la correction de temps s’effectue à la marge. Dans la réalité ( une pomme se détache et tombe sur la tête de Newton..), les corrections de temps imposées par la théorie d’Einstein sont négligeables. Négligeables mais pas fausses. Si vous voulez vous envoyer le calcul de probabilité qui aboutit à la rencontre de la pomme et de la tête, je vous souhaite bon courage. Dans ce cas, dit cas limite, la théorie est beaucoup trop puissante et s’avère apparemment moins efficace que le “bon sens”. Le problème, c’est que le bon sens cesse très rapidement d’être opérant. La plupart des phénomènes naturels observés de nos jours lui échappent. Ce que Einstein a trouvé s’applique absolument partout et en toutes circonstances, serait-ce à la marge, le bon sens assez peu. Le coup de grâce, de massue, est asséné par un petit copain d’Albert qui joue dans la même cour de récré que le grand génie. Il s’appelle Heisenberg. Werner Heisenberg. Albert nous enseigne la limite de nos sens, Werner nous démontre, et là, il faut accorder à ce mot tout son sens, démontre, sans possible contestation, ne protestez pas, sans contestation, que, non seulement, on ne doit pas se fier à ce qu’on voit mais, qu’en plus, on ne peut pas savoir. Le principe d’incertitude, ça s’appelle. Vous avez un objet en mouvement: le principe vous enseigne que soit vous connaissez sa position soit vous connaissez sa vitesse mais que vous n’aurez jamais accès aux deux en même temps. Mieux!... Que la mesure de l’un perturbe l’autre. Ce type nous abasourdit littéralement: il établit une limite à la connaissance. Avant lui, on est dans un univers douillet qui repose sur une idée assez extravagante, si l’on y pense: ce que l’on ne sait pas, on le saura un jour. Lui, Werner, il met le holà. Ben non!.. Il y a des choses qu’on ne saura pas, jamais.... Du coup, le pauvre Werner, il sombre dans la philo... Pour un physicien, c’est quasi la décadence. La philo!....

Toute cette diatribe pour répondre à une idée de plus en plus répandue: il n’y aurait plus de philosophes. Je souscris. Et je suis assez en accord avec ceux qui la profèrent lorsqu’ils prétendent que nous n’avons plus sur terre que des vulgarisateurs ou des professeurs de philosophie. Des gens qui, en fait, ne font que recycler ce qui a déjà été pensé. Plus aucun penseur véritable. J’en entends qui prétendent que ce qui nous manque, ce serait des poètes, des littérateurs, qui, loin d’avoir le but de philosopher pour philosopher, nous inciteraient à penser par la bande, autrement, de manière plus novatrice. Cette diatribe pour rappeler simplement que certains scientifiques s’y entendent également pour nous poser des problèmes que seule la raison peut appréhender. Les scientifiques ne sont pas que des gens qui bidouillent pour que votre portable soit de plus en plus efficace et performant. Sans arrêt, ils lèvent des lièvres que notre raison ne peut digérer autrement qu’en les conceptualisant, qu’en philosophant.

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