C’est non !... Parfois,
un être humain est amené à dire non, quoiqu’il lui en coûte
et,là, pour moi, c’est non. Les plus incultes des lettrés vont
croire que je fais ma crise Antigone. Je suis à des années lumière
de cette adolescente entêtée. Très peu d’auteurs ont traité ce
mythe avec subtilité en faisant, par exemple, une place à la raison
d’état qui n’est pas qu’une manifestation concrète de la
langue de bois. Être puissant suppose des devoirs, dont celui
d’assumer ses choix, y compris quand l’histoire vous donne tort.
Sartre aurait parlé de mains sales. Contrairement à mes
contemporains, je ne me reconnais pas dans cette oiselle butée et,
avant tout, indifférente aux avis qui divergent du sien. Ce qui
n’est pas en soi condamnable si l’on ne tient pas compte du sujet
de son entêtement. Vous auriez beau jeu de me reprocher d’être,
moi aussi, totalement insensible à la doxa. Sauf que, pour moi, le
problème qui se pose a à voir avec la majorité. La majorité qui,
justement, de nos jours, adule la jeune Antigone. Or, la question
est, fondamentalement, au nom de quoi ?.... Au nom de quoi Antigone
se mobilise-t-elle ? Et la réponse est évidente. Au nom de la
tradition. De cette tradition qui veut qu’un humain ne le serait
que dans le respect de la dépouille de son prochain. Tradition qui,
vous l’aurez remarqué, ne s’applique qu’aux proches, regardez,
par exemple du côté du traitement que nous, blancs, réservons aux
cadavres noirs ou basanés. Antigone met en jeu sa vie pour le
cadavre de son … frère. Au nom de quoi ? De la transcendance.
Antigone est, à ce titre, la défenderesse de l’unicité de la
transcendance, qui serait, donc, la tradition et, par là, preuve de
l’existence d’un être suprême. Et c’est donc là qu’on
aperçoit, sous le voile de la résistance héroïque de
l’adolescente face au pouvoir, la défense de l’existence du
dieu. Et c’est là, donc, qu’on comprend le succès que notre
époque lui réserve. Car nos temps sont croyants. C’est là, vous
aurez compris, que je dis non.....
Je suis d’une
génération nietzschéenne. N’en déplaise aux intellectuels de
tous poils du temps présents, toutes les grandes références du
siècle précédent le furent. Sartre, Camus, Deleuze, Palante, j’en
passe, y compris Freud et Marx qui n’ont jamais avoué l’avoir lu
et digéré ce qui, pourtant, est et fut tu car inavouable selon leur
conception du monde. Nietzsche reste comme l’intellectuel qui a
affirmé la mort de dieu. Dieu est mort, affirmation nietzschéenne
fondatrice semble être tout ce qu’on en a retenu. Pourtant, cette
affirmation est incomplète. Car Nietzsche donne l’explication de
cette mort et affirme que, si dieu est mort, c’est parce que
l’Homme, l’être humain dans son ensemble, l’a tué. Nietzsche
ne nie pas la pertinence intellectuelle de l’existence d’un être
suprême. Il nous dit simplement que, malgré nos dévotions de
Tartuffe, nous sommes incapables d’affronter cette idée. Nietzsche
est mort en 1900, il y a 116 ans, temps nécessaire à la reconquête
pour la masse informe du peuple toujours prompt à glisser vers le
plus confortable pour son esprit. Je suis né à une époque où la
quetion posée par Nietzsche n’effrayait personne et, donc , pas
plus moi qu’un autre. Pas de dieu au ciel, soit... Et, donc ?.. Que
serait-ce, alors, que la transcendance humaine ? Il fallait se
« prendre le chou », se torturer l’esprit, apprendre et
apprendre encore mais nous le faisions dans la gaieté, comme nous
l’avait suggéré le moustachu, dans la gaieté du savoir. C’est
une époque où la question de dieu était évacuée. Je n’ai pas
écrit « résolue ». Nous avions simplement le courage
intellectuel de la laisser ouverte et d’en renvoyer la résolution
à plus tard. Aucune angoisse ne naissait de ce diffèrement. Vous
l’aurez remarqué, ce n’est plus le cas. La réponse, le peuple
de France et, hélas, de la Terre entière, l’exige dans l’instant.
Ce qui, évidemment aboutit à la défense de son dieu contre celui
de l’autre, au clivage, à la guerre. Malraux, intellectuel croyant
avait prédit, dit-on, que ce siècle serait spirituel ou ne serait
pas. Cette phrase a aujourd’hui le même succès, exactement, que
la jeune Antigone, fille d’Oedipe, pour la simple raison qu’elle
conforte les culs-bénis de toutes les obédiences possibles. Comme
la plupart des prophéties, celles-ci s’avèrera fausse, bien
entendu, puisque le 21° siècle sera à la fois spirituel, c’est à
dire tourné vers la seule spiritualité envisagée par les commun
des mortels, celle d’un « dieu » au cœur du ciel,
sera, donc, déique ET ne sera pas. Parce que nous n’avons
évidemment pas tous le même dieu et que notre entêtement collectif
à confondre transcendance et dieu ne nous amènera que la guerre.
C’est là que je dis
non. Non, désolé, les télés pleines de dieu, de messes, de
cérémonies, d’Allah, de Bouddha, de Javé, de dieu, de papes, de
rabbins, d’imams, de bonzes, seraient-il français et anisés,
c’est non. La figure de dieu comme seule grille d’analyse, c’est
non. C’est non parce qu’il existe sur cette terre une foule
innombrable de gens qui, non seulement n’ont pas besoin de cette
hypothèse, comme disait Laplace, mais, en plus, condamnent avec
force cette faillite de l’esprit que constitue la croyance en un
dieu, en une idéologie, en un dogme, même laïc, condamnent les
présidents cathos, les premiers ministres cathos, les penseurs
cathos, les journalistes cathos, tous les cathos, tous les croyants,
parce qu’ils sont l’expression d’une faillite de l’esprit
humain et, donc, vouables aux gémonies. ... Contre mon époque, je
continue de l’affirmer : dieu est une merde, dieu n’existe pas,
dieu est mort et croire n’est pas plus respectable en soi que toute
autre croyance. Dans mon pays, la France, croire est un droit mais
n’en ouvre aucun, de la même manière qu’il y est permis de
chasser sans que cela soit ni une obligation ni un bien. S’il
existe une chose sacrée sur cette terre, cela ne peut pas être
dieu. Ce pourrait être, éventuellement, s’il faut une
transcendance, la vie. C’est non. C’est non et l’image de ce
« non », c’est un majeur levé. Allez vous faire foutre
!... C’est non. Dieu n’existe pas et je me fous totalement des
explications qu’on tente de m’en fournir. Ce monde n’a pas
besoin d’un dieu. Le seul responsable de la dérive de l’humanité,
qui risque plus que jamais d’aboutir à son anéantissement, c’est
l’être humain. Le déluge, s’il a lieu, sera notre œuvre. C’est
non et je conchie toutes les religions. C’est non !...
je dis que ce qui est sacré ce sont les lieux les relations exemptes de mercantilisme, et je dis oui à votre non...
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