Le syndrome de Diogène est un syndrome décrit par Clark en 1975 pour caractériser un trouble du comportement de la personne âgée conduisant à des conditions de vie négligées, voire insalubres, qui peut se traduire par une une syllogomanie (accumulation d’objets hétéroclites).
Il est très curieux de constater comment le comportement de Diogène a été interprété dans la définition du syndrome. Alors qu’il n’est qu’un ascète qu’on pourrait qualifier d’intégriste, de frénétique, qu’il a consacré sa vie à se débarrasser de tout ce qu’il trouvait inutile à la vie, jusqu’à son propre gobelet, brisé le jour où il vit un enfant boire à une fontaine en usant de ses mains en creux, curieux, donc, d’en arriver, partant de ce philosophe cynique, qui parcourait les rue de sa cité à la recherche “d’un homme”, à une image dégradée de la personne négligeant totalement son hygiène. D’un point de vue logique, vivre dans le dénuement n’a rien à voir avec vivre dans la fange. A moins d’ajouter l’hypothèse d’un jugement moral à la démarche conduisant à cette dérive. A cela, à mon sens, trois types de raisons: d’abord, l’association, toujours vivace, dans les milieux bourgeois, entre saleté et pauvreté, mais qui nous viendrait plutôt du temps des mines, du dix neuvième siècle. Ensuite, le fait que Diogène n’était du tout le copain d’un certain Platon. La tradition nous rapporte un grand nombre d’apostrophes sauvages du cynique contre l’inspirateur de la religion. Diogène était athée. Les philosophes athées n’ont jamais eu très bonne presse, encore plus lorsqu’ils précèdent de plus de quatre cents ans l’arrivée du messie. La morale commune accepte de comprendre l’athéisme comme une évolution de l’esprit humain qui, s’adossant sur les progrès de la connaissance, ferait reculer l’idée d’un dieu sur son nuage vers des conceptions plus abstraites. L’athéisme n’est admis que s’il suit l’apparition “du” livre. Mais le concevoir comme une vision de l’univers plus ancienne même que la religion, presque plus légitime, puisque, en matière de religion, l’argument de la tradition est essentiel, cela, c’est au-delà des forces mentales des croyants. Diogène, par son cynisme athée, par son comportement immoral, du moins pour les gens pieux, est plus qu’un monstre: un ennemi. D’où une certaine rancoeur envers lui et quelques autres, dont Socrate, Lucien de Samosate, j’en passe, qui sont voués au gémonies comme l’est encore, par exemple, Nietzsche. On comprend alors que l’associer à la déchéance, comme d’autres au nazisme, par exemple, est une manière de continuité dans la logique excommunicatoire de l’église. Le pape actuel vient de dire exactement la même chose du vingtième siècle athée. Le troisième type de raison qu’on pourrait invoquer pour expliquer ce jugement diffamatoire sur Diogène tient à notre type de société: le libéralisme. Dans les temps actuels, l’ascèse, quand tout est fait pour que nous consommions, devient également le fait non seulement d’originaux un peu cinglés mais, bien pire, la seule attitude capable de mettre le système à bas. L’ennemi, celui qu’on doit abattre ou, à défaut, salir.
Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que Diogène, ennemi de la pensée actuelle à plusieurs titres, ennemi de la pensée majoritaire, au sens propre, se trouve associé à la saleté et à l’ordure. Ce qu’on appelle une leçon de tolérance.
dimanche 10 octobre 2010
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