vendredi 18 juin 2010

Invitation à penser autrement

Le génie pourrait se définir par l’incapacité à justifier ses raisonnements. L’action sous l’impulsion de l’instinct. Ce qui suppose donc une appréhension globale des tenants et aboutissants, une perception intégrale du contexte, basées uniquement sur une sensation, un ressenti, qui ne laisse aucune place à la logique. Le génie est celui qui pressent sans pouvoir expliquer ce qu’il a ressenti. Qui ne peut donc édicter ni théorie, ni théorème, ni principe, ni dogme. Ainsi sont les choses. Pour donner tort ou raison au génie, il n’y a qu’un moyen: attendre que le temps, l’histoire, lui donne ou non raison. Ce qui exclut d’emblée du génie tous les penseurs, aussi puissants soient-ils, qui peuvent étayer leur raisonnement. Pour prendre des cas concrets, parlons de Nietzsche, en philosophie, qui ne se comprend pas au sens de l’entendement, mais se reçoit ou non, par opposition à Kant ou Sartre, qui s’expliquent. Parlons de Einstein, qui a une intuition de l’ordre du monde physique, par opposition à Newton qui l’explique. De tel ou tel peintre, qui “conceptualise” par rapport à Van Gogh, qui produit. De tel ou tel littérateur qui s’inscrit dans un courant, une filiation, en opposition à Artaud, par exemple, qui vomit ses mots. De Mozart, qui éructe sa musique par opposition à Beethoven, Bach ou Wagner qui la construisent. Le génie est perturbateur parce qu’il ‘entre pas dans le champs de la raison dialectique, qu’il ne peut se concevoir que comme étant ou non sans autre débat. Ce qu’il produit est ou n’est pas. Mais le pire, la partie la plus opposée au génie, c’est évidemment celle qui cherche la raison de toute chose. Qui dissèque et disserte ce qui ne peut s’expliquer autrement que par la célèbre formule: cela est!.... Le génie humain n’a pas de pire ennemi que qui veut à tout prix comprendre et analyser. Nos cimetières sont pleins de ces génies anonymes qui ont croulé sous l’injonction de s’expliquer quand le fait même de leur génie est de ne pas le pouvoir. Pas de pire ennemi que les fonctionnaires de la pensée qui, manches de lustrines au poignet, dissèquent et analysent pour comprendre et trouver une cohérence.

Sans vouloir insister outre mesure, je signalerai à ceux que cela intéresse que la définition du génie ainsi acceptée en appelle à la notion de surdon, qui peut exactement se définir ainsi: incompréhensible et injustifiable. Tous ceux qui s’intéressent à cette question, hélas assez rares, il n’est qu’à constater le peu d’intérêt que suscite cette manière d’être dans l’intelligentsia, le nombre très réduit de publications, tous ceux, donc, qui ont un jour été confrontés à la très spéciale notion de surdon, savent qu’il y a une espèce de superposition possible entre le calque du génie et celui du surdon.

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