Vous savez certainement que Camus n’est
pas mon écrivain préféré. Je ne parle pas du reste. Pour moi, ce
n’est même pas l’ombre d’un philosophe. Ce que j’ai contre
lui ? Sa tronche de gendre idéal. Bien propre, bien poli et, avant
tout, anticommuniste viscéral. Pas comme l’autre, là, Sartre …
J’ai aussi contre lui d’avoir rêvé être une idole, un peu
genre Dean, James, qui n’a réussi que grâce à sa gueule d’ange.
Lui, James, il est mort dans un accident avec la Porsche qu’il
conduisait, au moins. L’autre, le prix Nobel, il est mort dans un
accident, tout pareil, mais pas au volant, et dans une Facel Vega.
Minable. A ceux qui auraient encore un petit sentiment pour Albert,
je conseille la lecture de « Meursault, contre-enquête »
de Kamel Daoud. Tout simplement parce qu’il y aura toujours une
différence entre un intellectuel qui défend de sa tour des idées
dont le réel démontre qu’elles sont tragiques et ceux qui
participent activement à des ignominies. Bref, ce monsieur
sentencieux nous a asséné nombre de poncifs dont le fameux : « le
seul problème philosophique sérieux est le suicide ». A son
époque, cela pouvait passer pour pertinent. Tout simplement parce
que l’église, avec quoi il entretenait une relation ambigüe, le
condamnait absolument et que notre société était, en ces temps,
baignée de cul-bénisme. Ce n’était donc, à mon avis, qu’une
position circonstancielle et à très courte vue. Donc, en ce sens,
assez peu philosophique. Une manière de s’acheter à bon compte
une aura de « révolutionnaire ». A preuve, le fait que,
cinquante et quelques années plus tard, le problème n’est plus
central. De nos jours, le problème, c’est la mort. Voilà de
l’éternel. Mais, curieusement, l’universalité de ce problème
n’est plus le centre du débat. Car, au lieu de la considérer
comme inéluctable, nos sociétés ont versé dans sa négation. Et
même vers la négation de tous ses aspects, à commencer par le
vieillissement, qui en est la première étape. Les rues sont pleines
de sexas, de quiquas et de quadras en short, sur des planches ou
patins à roulettes, sur des trottinettes, qui tentent pathétiquement
d’oublier leur âge, de faire comme si la fin n’arrivait pas,
qu’elle était encore loin. Résultat, on est passé d’une mort
plus ou moins apprivoisée à une terreur généralisée. Au point
que, tout le monde chiant dans son froc dès qu’on prononce le mot,
que, d’ailleurs, on le dit de moins en moins, il est parti, il s’en
est allé, nous a quittés, etc … , et que, même, on finit par ne
plus en parler. Camus, le même, aurait dit une autre phrase profonde
: « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du
monde ». Que serait-ce, alors, ne plus les nommer ? La mort est
mon amie. Le suicide ni la mort ne sont pour moi des problèmes
fondamentaux. Sauf, peut-être, leur disparition du discours général.
Pas, en tous cas, leur existence qui n’est, pour moi, qu’un fait.
Avec un avant et un après. Vide, l’après, bien entendu. Cette
question est pour moi l’indice qui révèle imparablement la
confusion entre transcendance et mysticisme, spiritualité et
religion. C’est probablement une différence essentielle avec le
reste du monde et Albert en particulier.
mercredi 22 juin 2016
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